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Alors que la conférence interministérielle (CIM) Santé publique a décidé de rendre prioritaires les personnels pénitentiaires pour la vaccination contre la covid, les asbl I.Care et la section belge de l’Observatoire international des prisons (OIP) déplorent qu’une telle décision n’ait pas été prise pour l’ensemble des personnes détenues.

La suroccupation des établissements pénitentiaires, la promiscuité à laquelle sont contraintes les personnes détenues et l’impossibilité de respecter les gestes barrières font des prisons des lieux de propagation et d’amplification du virus, comme en témoignent les nombreux cas recensés et l’apparition régulière de clusters. Cette situation met en danger la santé de toutes les personnes détenues et du personnel pénitentiaire, ainsi que celle des intervenants extérieurs.

La situation est d’autant plus préoccupante que les différentes études menées sur le sujet ont démontré que la santé des personnes détenues est globalement plus dégradée que celle de la population générale, avec une prévalence importante de certaines pathologies, considérées comme des comorbidités justifiant une vaccination prioritaire.

Dans ces conditions, I.Care et l’OIP ne peuvent que déplorer la décision de la CIM Santé publique du 19 avril qui fait des seuls personnels pénitentiaires une cible prioritaire de la vaccination mais ne prévoit aucune mesure spécifique pour les personnes détenues, dont le calendrier vaccinal est identique à celui de la population générale.

Une population pourtant identifiée comme prioritaire par plusieurs instances

En décembre 2020, le comité consultatif de bioéthique identifiait  les personnes détenues comme devant être priorisées pour la vaccination contre la covid[1]. Dans d’autres pays, les organes consultés en la matière ont également mis en avant la nécessité de prévoir la vaccination prioritaire de personnes vivant en collectivité, dont les personnes détenues.

Vinciane Saliez, directrice d’I.Care, rappelle que « les personnes détenues sont déjà habituellement isolées. Depuis un an, elles sont ‘surconfinées’ et cela a des conséquences dramatiques sur leur santé mentale, qui doit pourtant être également préservée ».

« La situation dans les prisons est explosive et ne peut pas durer » insiste Marie Berquin, présidente de l’Observatoire international des prisons section belge. En effet, au-delà des aspects sanitaires, la pandémie a également des conséquences importantes sur les droits des personnes détenues et rend par ailleurs impossible le maintien de nombreuses activités indispensables à leur réinsertion, un objectif pourtant prévu par la loi.

En outre, en raison du contexte sanitaire actuel, les permissions de sortie et congés pénitentiaires sont suspendus depuis presque 1 an de sorte que la mise en œuvre des plans de réinsertion des détenus est gravement hypothéquée.

Nos organisations notent avec satisfaction que les syndicats du personnel pénitentiaire demandent également à ce que les personnes détenues soient vaccinées prioritairement et regrettent que seule une partie de leur demande ait été entendue. Dans ces conditions, l’OIP et I.Care exhortent les autorités à revoir le calendrier vaccinal en prison, dans le respect du principe de consentement qui doit évidemment bénéficier aux personnes détenues.

Eléments de contexte :

  • La Belgique fait partie des pays du Conseil de l’Europe où les prisons sont les plus surpeuplées, après la Turquie et l’Italie. Par ailleurs, dans les prisons du pays, 37 % des personnes ne font pas l’objet d’une condamnation définitive. Cette proportion est en moyenne de 25 % dans l’ensemble des pays membre du Conseil de l’Europe.
  • La loi de principes de 2005 et les recommandations internationales prévoient que les personnes détenues doivent bénéficier du même niveau de soins que le reste de la population.
  • Les différentes études menées sur le sujet montrent que, de manière générale, la santé des personnes détenues est plus dégradée que celle de la population libre. Certaines pathologies, en particulier les maladies infectieuses, les affections liées à la toxicomanie et les troubles psychiques sont plus nombreux. Pourtant, l’accès à des soins de qualité en prison n’est toujours aujourd’hui pas assuré. Ainsi, lors de sa visite en Belgique en 2017, le Comité européen pour la prévention de la torture regrettait « l’insuffisance de personnel de soins dans les prisons» et recommandait ainsi d’augmenter la présence de professionnels de santé dans les établissements qu’il avait visité. De la même manière, de l’avis du centre fédéral d’expertise des soins de santé (KCE), si tous les prestataires de soins « font de leur mieux », l’ensembles acteurs sont d’avis « que les soins actuels sont insuffisants et parfois inadaptés »[2].

[1] Avis n° 75 du 11 décembre 2020 relatif aux repères éthiques en vue du déploiement de la vaccination anti-COVID-19 au bénéfice de la population belge.

[2] Centre fédéral d’expertise des droits de santé, « Synthèse. Soins de santé dans les prisons belges : situation actuelle et scénarios pour le futur », 2017.