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Parquet de Bruxelles – absence aux audiences du Tribunal de l’application des peines : indignité et surpopulation carcérale
Nous apprenions, hier, que le Comité de direction du Parquet de Bruxelles faisait choix de ne plus se rendre aux audiences du Tribunal de l’application des peines. Il ne sera plus présent non plus aux audiences de prononcé des verdicts du Juge de l’application des peines, paralysant ainsi le fonctionnement de ces juridictions.
Exception notable, le Parquet sera toujours présent aux audiences lorsqu’il s’agit de demander la révocation d’une mesure de libération anticipée.
Cette mesure vient s’ajouter aux annonces précédentes où le Ministère public nous informait de sa décision d’envoyer 4.000 billets d’écrou.
Les revendications du monde judiciaire sont certainement légitimes. Elles méritent d’être prises au sérieux et les postures du monde politique à l’égard du monde judiciaire sont, depuis de nombreuses années, extrêmement inquiétantes (sous-financement chronique, non-respect des décisions de justice, discours de défiance à l’égard du pouvoir judiciaire, etc.).
Le ministère public franchit cependant un seuil inacceptable dans les moyens qu’il met en œuvre pour se faire entendre.
Dans un état de droit, le respect dû à la vie et à la dignité humaine revêt un caractère fondamental. Notre société démocratique est fondée sur un principe éthique essentiel, celui selon lequel la dignité de chaque être humain ne peut être sacrifiée en vue d’obtenir un avantage quelconque.
Les mesures cumulées par le Ministère public (envoi de nouveaux écrous, blocage des libérations conditionnelles et des surveillances électronique, poursuite des procédures en révocation) n’ont d’autres effets que d’aggraver les problèmes de surpopulation carcérale, alors même que l’Etat belge collectionne les condamnations pour les manquements à la dignité humaine qui en sont les conséquences. Derrière la surpopulation carcérale, derrière les murs de nos prisons, des drames humains se jouent quotidiennement. Les détenus sont maltraités par un système déshumanisant, les agents de surveillance pénitentiaire souffrent de leurs conditions de travail et du climat de violence induit par la réalité carcérale.
Le Ministère public a manifestement pris la décision d’organiser un déni de justice. Ce même Ministère public, censé être le représentant de la société, fait le choix d’utiliser la vie des détenus comme moyens de négociation et de pression sur le monde politique. Ce choix acte une rupture inacceptable avec nos principes démocratiques fondamentaux. On ne transige pas avec le respect dû à la dignité humaine, fusse celle des détenus.
La légitimité de l’institution judiciaire se joue aussi dans sa capacité à protéger les justiciables en leur reconnaissant des droits et en organisant des procédures pour garantir l’effectivité de ces droits. Il est temps que cette préoccupation redevienne cardinale, aussi bien pour les acteurs du monde judiciaire que pour ceux du monde politique.
À l’Observatoire international des prisons, nous n’accepterons jamais que la vie des détenus devienne un instrument de négociation, si légitime que soit la cause que l’on défend.