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Une étude américaine, publiée cette semaine par la revue scientifique Nature, remet en cause les effets de l’emprisonnement sur la violence dans la société.

Pour les auteurs, la prison est inefficace pour prévenir la violence, car elle n’a aucun effet de réhabilitation ou de dissuasion.

Le recours à l’emprisonnement a drastiquement augmenté depuis les années 1970 aux Etats-Unis. Or, comme le rappellent les chercheurs à l’origine de l’étude, les effets de la prison en termes de prévention de la violence « sont mal compris ». Leur objectif était donc « d’examiner l’effet de l’emprisonnement sur les crimes violents commis au sein de la société ».

Cette recherche se focalise sur des personnes détenues pour lesquelles un juge aurait pu prononcer soit une peine de détention soit une peine de probation.

Son échantillon et sa méthodologie rendent cette étude « particulièrement instructive » vis-à-vis des questions relatives aux effets qu’engendrerait une modification de la politique carcérale ; « et ce, principalement pour les condamnés à de courtes peines ».

Une méthodologie novatrice

Pendant près de dix ans, les chercheurs ont suivi un échantillon de 111.100 condamnés dans l’état américain du Michigan. Ils ont comparé le taux de récidive commis par les condamnés à une peine de prison, par rapport à celui commis par des condamnés à une peine de probation. Ce taux a été mesuré après le prononcé de la peine pour ceux en probation, et après la libération pour les détenus.

Se pencher penchant sur les résultats après la libération, cela exclut les effets d’incapacité forcément induits par l’enferment. Cela permet donc d’examiner les effets de la prison une fois que l’individu est de retour dans la société.

Dépassant les biais méthodologiques des précédentes recherches sur la question, cette nouvelle étude examine « si et comment le fait de condamner quelqu’un à l’emprisonnement peut changer la probabilité que cette personne commette à l’avenir une infraction violente ».

« Pas d’effet significatif »

En excluant les effets d’incapacité, les données « n’ont révélé aucun effet statistiquement significatif du fait d’être condamné à une peine d’emprisonnement sur les crimes violents » pour la population étudiée.

Les chercheurs ont estimé le nombre de crimes évités grâce aux peines de prison. Ils l’ont ensuite comparé avec le nombre annuel moyen de crimes signalés dans le Michigan. Au total, le nombre de crimes violents* prévenus par l’emprisonnement « ne représente que 0,7% du nombre moyen de crimes violents commis dans l’État ». Un taux qui est donc extrêmement faible par rapport au total.

Les résultats suggèrent que « pour les personnes se trouvant à la marge de la politique actuelle entre la prison et la probation, la prison est inefficace pour la prévention de la violence, car dans l’ensemble, elle n’a aucun effet de réhabilitation ou de dissuasion après la libération ». 

La prison, un coût social et économique élevé pour peu de bénéfices

Cette recherche n’est pas sans implication politique. Les auteurs soulignent que, en comparaison avec des mesures de prévention de la violence, « la prison entraîne des coûts plus élevés ainsi qu’un potentiel plus important de conséquences collatérales négatives ».

Ces multiples conséquences néfastes de l’enfermement ont poussé de nombreuses personnes à appeler à une « décarcération ». Or, d’après les chercheurs, « tout effort pour réduire significativement la population carcérale ne peut se concevoir sans une baisse du taux d’emprisonnement et/ou une réduction de la durée de peine pour les personnes accusées de violence ».

En conclusion, « emprisonner moins de personnes, lorsqu’elles sont à la limite entre prison et probation, aurait des effets très faibles sur la violence dans la communauté ». Pour les auteurs, « des politiques alternatives couplées à des mesures de prévention de la violence seraient nettement plus bénéfiques que la prison, et ce pour un moindre coût social et économique ».

* NB : (Les auteurs entendent « crimes violents » au sens large, c’est-à-dire une définition qui inclut non seulement le meurtre, l’homicide volontaire, les viols, le vol et voies de fait graves ; mais aussi les homicides involontaires, les agressions sexuelles, les voies de fait, les agressions avec armes à feu …)