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La souffrance qui se vit derrière les murs des prisons est silencieuse. L’immense majorité des citoyens qui longent ces murs n’ont aucune idée des drames humains qui se jouent à quelques pas. Le sort des internés en Belgique fait partie des situations les plus injustes et inhumaines auxquelles les quelques individus qui passent les portes d’une prison sont confrontés.

En Belgique, lorsqu’une personne atteinte d’un trouble mental commet une infraction et qu’elle est considérée comme dangereuse, elle fait l’objet d’une mesure d’internement : une mesure de sûreté, censée protéger la société et soigner l’intéressé.e.

La loi prévoit que, dans l’attente d’être transféré dans un établissement de défense sociale, un hôpital hautement sécurisé ou un centre de psychiatrie légale (des établissements axés sur le soin, même si le fonctionnement de certains reste très carcéral), l’interné sera placé dans l’annexe psychiatrique d’une prison.

L’existence de ces annexes psychiatriques et les conditions de détention désastreuses qui y prévalent ont mené la Belgique à de nombreuses reprises devant la Cour européenne des droits de l’homme. À force de condamnations de l’Etat belge pour traitements inhumains contre ses internés, la haute Cour de Strasbourg a même rendu un arrêt pilote en 2016 (arrêt W.D. c. Belgique), forçant la Belgique à prendre des mesures systémiques pour mettre fin au problème.

Moins d’un mois après cet arrêt, une nouvelle loi sur l’internement est entrée en vigueur. Ce nouveau régime n’a pas supprimé les annexes psychiatriques, mais était censé limiter le séjour en annexe à quelques mois.

Plus de quatre ans après la mise en œuvre de ce nouveau régime, des internés sont toujours détenus en annexe psychiatrique pendant plusieurs années, sans traitement adéquat pour leurs troubles mentaux et avec un régime de détention à peu près similaire à celui d’un condamné classique.

Les drames humains sont devenus la norme au sein des annexes. Les internés sont souvent des détenus agités, puisque leurs troubles mentaux peuvent amener des comportements en contradiction avec le règlement de la prison (insultes à un agent pénitentiaire, dégradation du matériel de leur cellule, cris, …). En réaction à ces comportements, la direction de la prison les soumet à des sanctions disciplinaires, parfois très pénibles (mise au cachot, isolement…), ce qui ne fait qu’aggraver leur état et leur agitation, et cause encore plus de sanctions disciplinaires. Un cercle infernal.

La Cour européenne des droits de l’homme a remis cette question brûlante sous les projecteurs dans un arrêt du 6 avril 2021 (arrêt Venken et autres c. Belgique). La Cour a jugé que plusieurs internés avaient été soumis à des traitements inhumains et à une détention illégale, alors qu’ils étaient détenus dans des annexes psychiatriques sans perspectives de transfert vers un établissement spécialisé, ce pendant plusieurs années.

Depuis sa création, l’OIP milite pour la suppression des annexes psychiatriques et une prise en charge adaptée et humaine des internés. Le chemin est encore long pour y arriver.