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Le 15 janvier 2018, quatre organisations syndicales de surveillants de prison (CGSP, ACOD, CSC et ACV) annonçaient des actions en front commun pour protester contre leurs conditions de travail. Dans un premier temps, les agents s’engageaient, du 29 janvier au 1er février, à repousser de deux heures leur prise de service, puis à mener une action de 32 heures du 1er au 3 février 1. La Belgique s’apprête-t-elle à revivre la situation de 2016 ?

Une grève sans précédent des agents pénitentiaires débutait le 25 avril 2016 pour durer deux mois. Les agents revendiquaient l’abandon total de l’économie de 10% en personnel, le respect du cadre fixé pour le nombre d’agents ainsi que la reconnaissance de la pénibilité de leur travail.

Le ministre leur proposa un protocole prévoyant notamment le recrutement de 480 personnes statuaires, le gel de toute économie en matière de personnel en 2016, l’octroi d’une prime de flexibilité au personnel des établissements qui applique la nouvelle méthode de travail, la réduction de la surpopulation carcérale à 10.000 détenus et l’amélioration de l’infrastructure pénitentiaire2.

De leur côté, les détenus ont saisi les juridictions qui ont ordonné à l’Etat belge de leur procurer trois repas par jour dont un chaud, l’accès aux douches un jour sur deux, l’accès au téléphone un jour sur deux, une promenade au préau d’une heure par jour, deux visites familiales par semaine ainsi que deux jours de visite par semaine pour les avocats et commission de surveillance des prisons3. Il ne s’agit pas d’une faveur mais d’une exigence absolue pour respecter la dignité des détenus.

Pourtant, les prisons belges sont les seules dans l’Union européenne à ne pas garantir de service minimum en cas de grève des agents. Depuis plus de douze ans, le Comité de prévention de la torture et les ONG nationales invitent l’Etat belge à mettre en place un service garanti en milieu pénitentiaire mais les nombreuses négociations entre les autorités belges et l’ensemble des syndicats pénitentiaires n’ont jamais abouti.

Aujourd’hui, les syndicats reprochent au ministre Koen Geens ainsi qu’au gouvernement fédéral de ne même pas avoir respecté le protocole de mai 2016, notamment concernant le recrutement d’agents. Il semble évident que les conditions de travail des agents sont extrêmement compliquées et que la réalité du terrain semble ne pas être entendue. Pourtant, le malaise des détenus et celui des agents se rejoignent et s’alimentent l’un l’autre. Alors que les détenus subissent déjà la punition à chaque instant, ils apparaissent comme les premières victimes de ces mouvements de grève car dans une situation de dépendance complète par rapport aux agents. En étant l’objet des revendications syndicales afin de faire pression sur l’administration, ils se retrouvent privés à nouveau de droits.

L’OIP section belge affirmait dans sa notice 2016 : « Il n’est plus à démontrer que les grèves frappant les établissements pénitentiaires entraînent des atteintes inacceptables aux droits des personnes détenues qui, lors de la cessation de travail des agents, sont soumises à un régime de détention restrictif exceptionnel et attentatoire à la dignité humaine »4.

Rien n’empêche de prendre des mesures pour instaurer un service garanti tout en respectant les droits et libertés du personnel pénitentiaire.

Dans une interview cette semaine, Nicolas Cohen, co-président de l’OIP, exprimait que « malheureusement, tant la politique concernant les agents que celle concernant les détenus ne sont pas pensées en termes de lien social mais uniquement en terme d’enfermement et de sécurité »5.

Et si nous sortions du paradigme sécuritaire et punitif ? Et si nous ouvrions les portes et nous soutenions le contact humain ? Il s’agirait alors de changer en amont la mentalité carcérale, de penser des modes de revendication respectueux des droits de chacun.

  1. Note des organisations syndicales organisant les actions en front commun
  2. Protocole n°436 du 30 mai 2016 que le ministre a voulu faire signer aux agents pénitentiaires
  3. Arrêt de la Cour d’appel de Bruxelles en date du 26 avril 2017
  4. Notice 2016 de l’OIP Belgique
  5. Interview de Nicolas Cohen sur la RTBF le 29 janvier 2018