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À partir du 1er octobre 2020, les détenus pourront enfin se plaindre devant des juridictions des décisions prises à leur égard par le directeur ou au nom de celui-ci. Ce mécanisme était pourtant inscrit depuis longtemps dans la loi de principes du 12 janvier 2005 concernant l’administration pénitentiaire et le statut juridique des détenus. Il aura donc fallu attendre 15 ans pour que ce droit de plainte entre en vigueur.

Cette entrée en vigueur met fin à l’arbitraire et aux difficultés pour les détenus de saisir une juridiction adaptée à leurs demandes. En effet, à défaut de cette procédure de plainte, les détenus qui considérait qu’une décision portait atteinte à leurs droits ne pouvaient qu’utiliser les voies de recours juridique classiques : plainte au pénal, action en réparation devant le juge civil, action en référé devant le juge des référés lorsqu’il y avait une atteinte à leur droit subjectif,… Or bien souvent, ces différents recours n’étaient pas adaptés à la réalité pénitentiaire et à la situation particulière des personnes détenues.

Concrètement, lorsqu’un détenu souhaitera contester une décision ou une absence de décision le concernant, il pourra s’en plaindre par écrit, dans les sept jours de la connaissance de la décision, avec l’aide d’une personne de confiance ou d’un avocat s’il le souhaite. Ainsi un détenu pourra se plaindre par exemple d’une interdiction de visite qui lui a été faite, de la décision de fouiller dans sa cellule, d’un refus de lui attribuer un travail disponible dans la prison, de l’interdiction de suivre certains programmes de radio et de télévision, etc.)

C’est la commission des plaintes qui examinera la plainte déposée par le détenu. Elle devra rendre une décision le plus rapidement possible et au plus tard 14 jours après le dépôt de la plainte.

Si on ne peut que se réjouir de cette entrée en vigueur et du fait que les détenus peuvent véritablement agir en justice contre les décisions qui leur causent du tort, on regrette néanmoins la composition de la commission des plaintes. En effet, l’organe de traitement des plaintes est composé de trois membres de la commission de surveillance. Ce choix de confier la mission des plaintes à des membres issus des commissions de surveillance avait fait l’objet de polémique lors des débats parlementaires.

Pour la majorité des commissions de surveillance, il n’était pas possible d’exercer cette mission juridictionnelle en plus de leur mission de base (mission de contrôle et de médiation).

Pour rappel, les membres des commissions de surveillance sont des bénévoles, qui souvent travaillent à temps plein et qui ne disposent ni de la formation nécessaire ni des moyens pour exercer une telle fonction juridictionnelle nécessitant aussi  une prise de décision rapide. Elles avaient ainsi demandé que la mission de traitement des plaintes soit attribuée à un vrai organe judiciaire, composé de personnes indépendantes, sans aucun lien avec le personnel de l’établissement pénitentiaire et se consacrant à temps plein à cette fonction et que la commission des plaintes soit, à tout le moins, présidée par un magistrat.

Malgré ces nombreuses critiques, le législateur a fait le choix de confier la mission de traitement des plaintes des détenus à des bénévoles issus des commissions de surveillance. Seul l’avenir nous dira si les commissions de surveillance parviendront à surmonter ce cumul des genres et l’obstacle du bénévolat.