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Ce 12 décembre 2017 devait être examiné à la Commission Intérieur de la Chambre un projet de loi déposé le 7 décembre 2017 modifiant la loi du 15 décembre 1980 sur l’accès au territoire, le séjour, l’établissement et l’éloignement des étrangers afin de garantir l’exécution des mesures d’éloignement1.

Neige oblige, la séance de la commission a été remise à l’année nouvelle. Il n’en demeure pas moins que ce projet de loi annonce une salve de mesures législatives supplémentaires en vue de criminaliser les personnes en séjour irrégulier en Belgique.

Ce projet de loi vise à créer une procédure « d’autorisation de visite domiciliaire » délivrée par un juge d’instruction, afin de permettre aux services de police de pénétrer dans la résidence d’un étranger en séjour irrégulier sans son consentement.

Un pas de plus dans la chasse à l’étranger.

Ces nouvelles mesures se situent dans la continuité de la loi du 5 février 2016, entrée en vigueur le 29 février 2016. Cette loi exclut l’ensemble des détenus en séjour irrégulier de la possibilité de solliciter des modalités alternatives à l’exécution de leur peine (libération conditionnelle, surveillance électronique, congés pénitentiaires, permissions de sortie2…). Leur seule possibilité est désormais de solliciter une mise en libération provisoire en vue de l’éloignement du territoire

Depuis plus d’une année, les détenus étrangers en séjour irrégulier n’ont donc d’autre choix que de « faire fond de peine » s’ils ne souhaitent pas quitter le territoire ou ne rencontrent pas les conditions pour une mise en liberté provisoire en vue de l’éloignement du territoire3.

Trois questions préjudicielles relatives à la constitutionnalité de cette exclusion sont actuellement pendantes devant la Cour constitutionnelle.

En effet, cette exclusion pure et simple de toute possibilité de solliciter une mesure d’aménagement de sa peine est problématique au niveau du principe de non–discrimination. Quelles que soient les particularités de la situation du détenu concerné (attaches familiales, attaches dans son pays d’origine, chances d’obtenir un séjour en Belgique, maladie, …), celui-ci se voit exclu de toute perspective de réinsertion en Belgique.

Les conséquences humaines de telles mesures sont catastrophiques. Leur coût financier est également très important : en moyenne, l’incarcération d’un détenu coûte 140 euros par jour. De plus, à sa sortie, le détenu n’aura bénéficié d’aucune aide le préparant à réintégrer la société. Le risque qu’il récidive est donc bien plus important. Sans compter la frustration et le sentiment d’injustice que génèrent de telles lois chez les individus qu’elles visent, sentiments parfois précisément à l’origine du danger sécuritaire que le gouvernement prétend combattre…

Dans sa Notice 2016, l’OIP dénonçait la surreprésentation des étrangers en prison (p. 72), ainsi que l’exclusion systématique des détenus étrangers en séjour irrégulier (p. 242 et s.).

  1. ici un lien vers le texte du projet de loi
  2. Seules des permissions de sortie sollicitées afin « de défendre des intérêts sociaux, moraux, juridiques, familiaux, de formation ou professionnels qui requièrent sa présence hors de la prison » ou « de subir un examen ou un traitement médical en dehors de la prison » peuvent être sollicitées par le détenu en séjour irrégulier, celles-ci étant très rarement accordées.
  3. Article 25/3, §1 de la loi du 17 mai 2006 relative au statut juridique externe des personnes condamnées à une peine privative de liberté et aux droits reconnus à la victime dans le cadre des modalités d’exécution de la peine : « § 1er. La mise en liberté provisoire en vue de l’éloignement du territoire est un mode d’exécution de la peine privative de liberté par lequel le condamné, pour qui il ressort d’un avis de l’Office des étrangers qu’il n’est pas autorisé ou habilité à séjourner dans le Royaume, subit sa peine en dehors de la prison dans un autre pays que la Belgique, moyennant le respect de conditions qui lui sont imposées pendant un délai d’épreuve déterminé. »