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Le média belge engagé Tout va bien a publié une enquête sur le dossier de la maxi prison de Haren. Partenariats douteux, opacité des négociations et des chiffres, ce documentaire lève le voile sur les multiples zones d’ombre qui entoure la construction de cet énorme complexe pénitentiaire.

Présentée comme la solution ultime pour répondre aux problèmes de surpopulation et de conditions vétustes des prisons belges, la prison de Haren est un projet qui a été défendu coûte que coûte par les ministres de la Justice qui se sont succédés. Dossier brûlant s’il en est, cette maxi-prison apparaît, au fil de l’enquête, davantage comme un « petit projet entre potes ».

Partenariats douteux

Le projet de Haren est conclu sous la forme d’un PPP, soit partenariat public privé. Dans le cas présent, il s’agit d’un partenariat entre le gouvernement belge et un consortium d’entreprises plutôt opaque : Cafasso. L’enquête dénonce le flou total qui règne autour de Cafasso et les activités douteuses auxquelles sont mêlées les sociétés qui le forme.

Le documentaire retrace la quête des journalistes pour mettre la main sur le contrat qui lie l’état à ces entreprises privées. Ce qui ne s’est pas avéré chose facile.

« Un scandale d’état »

Gilles Vanden Burre (Ecolo) a lui aussi longtemps cherché à obtenir ce fameux contrat. Connaisseur du dossier, il en dénonce l’opacité quasi totale : « On ne connaît pas les montants. (…) On nous donne des éléments au compte-goutte, et qui donne vraiment une impression de grande opacité et d’arrangements entre amis », déplore le député. Si le parlementaire a finalement eu « accès » au contrat, ce fut sous des conditions de confidentialité très strictes… et dans une version complètement illisible, comme il l’explique aux équipes de Tout Va Bien.

Olivier Maingain, quant à lui, estime que l’on se trouve réellement face à « un scandale d’état » : « on n’a pas le contrôle de la dépense publique par rapport à un projet qui va sans doute être complétement prohibitif sur le plan budgétaire », précise le président de défI.

Du côté de la régie des bâtiments, on assure pourtant « ne rien avoir à cacher ». Même si son président, Laurent Vrijdaghs, admet clairement que « c’est le privé qui a le contrôle de ces chiffres », et qu’ils ne peuvent donc pas être dévoilés sans leur accord, partenariat avec l’état ou pas.

 La logique du privé, incompatible avec la réduction de la récidive

Quelles garanties a-t-on par rapport aux sociétés qui composent Cafasso ? Qu’est-ce qui justifie le choix d’un PPP pour Haren ? Malgré une enquête de fond, Tout Va Bien aurait bien du mal à répondre à ces questions. « En tous cas la justification n’est certainement pas la bonne gestion des finances publiques », affirme dans le documentaire Olivier de Schutter, professeur de droit et membre d’Ecolo.

« Ces détenus vont coûter beaucoup plus cher aux contribuables et vont rapporter beaucoup d’argent aux sociétés privées. » Et pour Olivier de Schutter, difficile de trouver une justification légitime à ces bénéfices.

« En réalité, cette prison ne va pas du tout favoriser la réinsertion des détenus. C’est une prison massive qui ne permet par conséquent pas un suivi individualisé des détenus. Très difficile d’accès, c’est une prison qui mettra en péril l’exercice des droits de la défense comme la poursuite de la vie familiale ».

En bref, « c’est à tous points de vue une prison qui n’est pas justifiée dans la manière dont elle est conçue », pointe le professeur. « Malheureusement, il y a une logique de minimisation des coûts et de maximisation des profits qui est celle du privée, et qui n’est tout simplement pas compatible avec l’objectif d’une politique pénitentiaire qui veut réduire le risque de récidive ».

« C’est l’avenir de la politique pénitentiaire de la Belgique qui se joue à Haren », conclut Olivier de Schutter. Et à favoriser les bénéfices des multinationales au dépit d’une politique carcérale et sociale réfléchie, l’avenir tracé ici n’a rien de réjouissant.

Le reportage est disponible dans son intégralité ici